Le mystère bien gardé des contrats entre l’UE et les fabricants de vaccins

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Va-t-on les qualifier de « complotistes » ? Des eurodéputés de tous bords dénoncent l’opacité des contrats passés par la Commission européenne et les fabricants de vaccins.

Le président de la commission parlementaire ENVI qui gère les questions de santé – l’eurodéputé français Pascal Canfin (du groupe centriste Renew Europe) – a livré à ce propos un témoignage éloquent sur la radio belge RTBF, le 16 janvier, dans l’émission « La Semaine de l’Europe » (écouter à partir de 30’). Ayant voulu examiner ces contrats, il y est parvenu… après l’avoir réclamé avec ses collègues pendant quatre mois. Mais il n’a eu le droit qu’à consulter un seul des six contrats passés par l’exécutif européen au nom des 27 États membres. Pourquoi un seul contrat ? « Parce qu’un seul laboratoire, l’allemand CureVac, a accepté de jouer le jeu. Pour le moment tous les autres ne l’ont pas fait. J’ai bon espoir que ce bon exemple sera suivi par d’autres », a-t-il expliqué. Il n’empêche que pour le moment, l’omerta demeure totale de la part des entreprises Pfizer-BioNTech et Moderna dont les vaccins ont reçus l’agrément de l’UE, mais aussi de de la part de Sanofi-GSK, Johnson & Johnson et AstraZeneca, en phase de négociations avec la Commission européenne (celle-ci vient d’ailleurs de juger « inacceptables » les retards de livraison annoncés par le laboratoire britannique AstraZeneca alors que l’UE lui a déjà versé plusieurs centaines de millions d’euros pour l’aider à développer son vaccin).

La consultation qu’a finalement obtenue Pascal Canfin pour le seul contrat CureVac s’est déroulée à Bruxelles dans des conditions drastiques, dans une salle de la direction générale de la Santé et sous la surveillance d’un de ses membres. Ayant signé un engagement de confidentialité, et délaissé de son portable pour ne garder qu’un crayon et du papier, il n’a été autorisé qu’à une consultation limitée à 45 minutes pour examiner un document d’une soixantaine de pages. En outre, le parlementaire a eu la désagréable surprise de constater que des paragraphes entiers de ce document étaient biffés et rendus totalement illisibles… Précaution selon lui parfaitement admissible pour ce qui concerne des clauses couvertes par le secret des affaires comme le numéro du compte bancaire sur lequel la Commission européenne paye les vaccins, mais nullement pour des informations telles que le prix, les lieux de production, le calendrier de livraison et, le plus important : le régime de responsabilité juridique auquel est soumis le laboratoire. Autant d’éléments rendus masqués dans le dossier CureVac. S’agissant, par exemple, de la responsabilité juridique, deux paragraphes sur six étaient eux noircis… Qui sera responsable en cas de problèmes, par exemple d’effets secondaires d’un de ces vaccins ? Les laboratoires ou les gouvernements des pays membres de l’UE ? Les fabricants, affirme la Commission. « Je pense que la Commission dit vrai, mais le problème n’est pas ce que je pense mais ce que je vois » a commenté Pascal Canfin.

Autre mystère : les prix des vaccins et leur dégressivité. Seule une « fuite » émanant d’un tweet de la secrétaire d’État belge au Budget, Eva De Bleeker, en décembre dernier, a permis d’en avoir une idée pour les six contrats négociés par la Commission (on avait pu alors constater des différences abyssales entre les prix pratiqués par les laboratoires) … Mais Eva De Bleeker avait promptement supprimé ce tweet sous l’injonction des laboratoires qui lui avaient rappelé la nature confidentielle des prix. Sur le document consulté par Pascal Canfin, cette information était elle aussi « caviardée ». Comment savoir, dans ces conditions, si la Commission européenne a bien négocié au nom des 27 États membres pour obtenir le meilleur prix ? De même, s’agissant de la dégressivité des prix, le président de la commission parlementaire déclare ne pas avoir vu de disposition permettant de baisser les prix à l’avenir, une fois amorti le coût de la mise au point et de la fabrication du vaccin. Cette opacité de la Commission européenne sur les contrats passés avec les fabricants de vaccins ne peut qu’entretenir la défiance sur elle et sur eux, alors que les campagnes de vaccination contre le Covid-19 montent en puissance dans les pays de l’Union européenne.

Philippe Oswald

Source : La Croix

Cet article est republié à partir de La Sélection du Jour


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